Reportage

Le groupe Bernard forme des réfugiés pour ses ateliers poids lourds

Le groupe Bernard forme des réfugiés pour ses ateliers poids lourds

Le groupe Bernard va reconduire le programme HOPE avec deux nouvelles sessions de formation en 2024.

© Yelen Bonhomme-Allard

En janvier dernier, le groupe Bernard a lancé le programme HOPE ayant pour but de former des migrants au métier de mécanicien poids lourds. Au terme de leur année d’alternance, ils seront tous intégrés en CDI dans leur concession de référence, renforçant ainsi le manque de personnel dans les ateliers. L’opérateur prévoit de reconduire le dispositif dès janvier 2024.

Comme tous les quinze jours, Cherif, Mamadou, Ameer, Youssouf, Abdelkarim, Hafiz et Samba se retrouvent à la concession Renault Trucks de Viriat (01), près de Bourg-en-Bresse, appartenant au groupe Bernard. Depuis sept mois, ils font partie de la première promotion « mécanicien poids lourds », inaugurée par le distributeur. Sous la tutelle de Mathieu Chapellier, affectueusement renommé « chef » par les apprentis, ils apprennent les rouages du métier en vue d’obtenir en décembre 2023 un titre professionnel reconnu par l’État français. Le premier diplôme de leur vie. Car pour la majorité d’entre eux, ils ont été contraints d’abandonner l’école très tôt. « J’ai arrêté l’école en CP au Sénégal, confirme Chérif aujourd’hui âgé de 34 ans. Avant d’arriver en France, j’étais commerçant dans la viande. Je suis très content de faire de la mécanique maintenant ». Originaires du Sénégal, du Soudan, d’Irak, de Côte d’Ivoire ou de Guinée, tous sont arrivés dans l’Hexagone après un voyage long et périlleux. Le programme HOPE s’offre donc à eux comme une seconde chance.

15 mois de formation

Le groupe Bernard leur a tendu la main en 2022. Celui-ci a toujours favorisé l’apprentissage dans ses rangs (sur les 3 080 salariés, 10 % est en contrat d’apprentissage), et considéré la diversité comme une richesse. Depuis plusieurs années, il encadre la reconversion professionnelle classique de publics français éloignés de l’emploi. Mais force est de constater que les métiers en atelier les attirent plus ou peu, ce qui participe à la pénurie de main-d’œuvre. Le groupe Bernard s’est alors rapproché d’un public de réfugiés, présents sur le territoire en situation régulière. Le soutien de Pôle emploi, de l’AFPA (Association pour la formation professionnelle des adultes) et de l’Opco (opérateur de compétences) a été nécessaire dans la réalisation de ce projet. « Courant 2022, nous avons mis en place des stages d’une journée afin que les réfugiés puissent se projeter dans notre entreprise, explique Stéphanie Lê Van Truoc, directrice des ressources humaines du groupe Bernard. Ils ont été reçus sur les différents sites sur lesquels ils pouvaient potentiellement être recrutés. Ils ont pu découvrir leur environnement de travail et rencontrer les managers. Nous avons ensuite organisé une journée de recrutement. Sur les 50 personnes présentées en stage, 25 ont été sélectionnées pour cette deuxième phase. À l’issue, nous en avons gardé 9 sur les 10 places disponibles ».

Entre octobre et décembre 2022, ils ont suivi une formation (financée par Pôle emploi) pour apprendre le français. Une condition sine qua non pour interagir avec les autres salariés du groupe et comprendre le vocabulaire technique propre à la mécanique. « La barrière de la langue était notre seul frein, mais nous nous sommes rendu compte dès les entretiens qu’elle n'en était pas une, poursuit-elle. Ils avaient tous un premier niveau de communication en français, plus ou moins disparate, devenu tout à fait correct après les trois mois de formation. Nous avons pu échanger de manière très simple avec eux. L’essentiel était surtout leur motivation. Deux apprentis ont quitté le programme car ils n’ont pas réussi à s’insérer dans la vie classique du fait de leurs traumatismes. Ces personnes ont vécu l’enfer, elles ont un parcours de vie difficile. C’est la raison pour laquelle elles sont suivies par une cellule psychologique ».

Apprendre et s’intégrer

Répartis dans différentes concessions du groupe pendant quinze jours, les 7 apprentis prennent plaisir à se retrouver l’autre moitié du mois à Viriat. « On est comme une deuxième famille. On se voit beaucoup en dehors de l’entreprise, on joue au foot ou on se balade en ville », confie Mamadou, âgé de 25 ans, qui, même s’il dépasse tous ses camarades d’une tête, n’en demeure pas moins le plus jeune de la bande, comme aime le lui rappeler malicieusement Hafiz. Dans leur nouvelle vie professionnelle, ils ont aussi trouvé leurs marques. Rien ne les diffère des autres salariés puisqu’ils possèdent une tenue de travail et une caisse à outils personnalisées et flambant neuves.

À leur rythme, ils ont rapidement appris à faire preuve d’autonomie et prennent plaisir à s’entraider. « Abdelkarim est très pédagogue, souligne Mathieu à l’égard du jeune homme en binôme avec Mamadou ce jour-là. Il se laisse le temps d’apprendre et nous n’avons que des bons retours de la part de son tuteur ». Très consciencieux, Abdelkarim s’attelle à changer la roue d’un camion en reproduisant les gestes qu’il a acquis dans la concession de Villefranche-sur-Saône (69) au cours des six mois précédents. « J’ai travaillé pendant dix ans dans un garage automobile au Soudan avant d’arriver en France en 2017. C’est important pour moi de travailler. J’aime ce métier car il y a beaucoup d’évolutions comme les véhicules électriques, par exemple », confie-t-il. « Et contrairement à la Guinée où on travaillait jour et nuit, ici il y a des règles. C’est mieux », approuve Mamadou qui aspire à « une meilleure vie ».

Une expérience réussie

Ces règles, c’est justement le rôle de Mathieu, le formateur, de les leur inculquer : les règles de sécurité, du code du travail, mais aussi le savoir-être et le savoir-vivre en société. « J’agis comme un patron formateur. Je leur apprends à être à l’heure, à ne va pas venir au travail en jogging, à être volontaire, à ne pas hésiter à rester 15 min de plus pour nettoyer. Ils sont récompensés s’ils doivent l’être ou disputés comme tout collaborateur qui ferait une bêtise. Il y aura toujours des préjugés par rapport à leur nationalité donc autant leur donner les clés pour faciliter leur intégration. Ils sont tous très motivés et ont le sens du travail, alors que les jeunes Français d’aujourd’hui veulent tous être influenceurs ».

Au terme des deux premiers trimestres, ils ont tous validé leurs compétences intermédiaires. Une réussite qui a motivé le groupe Bernard à reconduire le dispositif HOPE l’an prochain avec le même système d’embauche (10 places max, des cours de français pendant trois mois et un contrat d’alternance pendant un an). Courant fin-2023 début-2024, deux formations seront donc menées en parallèle : carrossier automobile sur l’ensemble du périmètre couvert par le groupe, et mécanicien poids lourds dans le nord-est de la France entre Chaumont (52), Nancy (54) et Metz (57).

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