La quête du Graal du pneu totalement vert mobilise tous les fabricants, mais Michelin vient de poser un nouveau jalon sur cette voie. Le groupe vient de présenter un pneu pour automobile et un autre pour autobus contenant respectivement 45 et 58 % de matières biosourcées, renouvelables ou recyclées.
En avant-première mondiale, Michelin vient de dévoiler deux pneumatiques contenant respectivement 45 et 58 % de matériaux durables. Le premier concerne le marché des véhicules légers et le deuxième est destiné au segment des autobus. Cyrille Roget, directeur de la communication scientifique et innovations de Michelin, insiste sur le fait que « ces pneus sont homologués pour la route » et qu’ils devraient « trouver des applications de série en 2025, dans un premier temps pour le marché européen, puis à l’échelle mondiale ». La référence au marché européen ne signifie pas nécessairement que les premiers clients seront des constructeurs européens et la vidéo de présentation met d’ailleurs à l’écran un modèle Hyundai. En revanche, pour l’heure, la demande est plus forte en Europe qu’aux États-Unis ou en Chine.
Le pneu, cet alchimiste
Le pneu voiture comprend donc 45 % de matériaux durables qui se répartissent en six familles : caoutchouc naturel, noir de carbone issu des pneus en fin de vie, huiles et résines biosourcées, renfort textiles durables, silice biosourcée issue d’écorces de riz, et acier intégrant des ferrailles recyclées. Le pneu pour autobus concentre son taux de matériaux durables sur quatre familles seulement (caoutchouc, noir de carbone, silice et acier). « L’écart qui existe entre les taux des deux pneus s’explique par la part du caoutchouc naturel dans la composition d’ensemble et sur les spécifications qui diffèrent entre VL et bus », précise Cyrille Roget.
Un enjeu très composite et complexe
À cette occasion, Michelin a confirmé son objectif d’atteindre une production globale à partir de 100 % de matières biosourcées, renouvelables ou recyclées d’ici à 2050, avec une étape intermédiaire de 40 % en 2030. Actuellement, en 2022, ce taux est de 29 % au niveau du groupe. « Le rythme vers le tout durable est lent, car au-delà de l'innovation, consistant à trouver des substituts durables aux matériaux traditionnels, soit 200 ingrédients et plus de 350 métiers impliqués, il faut construire de nouvelles chaînes de valeur et de nouvelles filières industrielles. Mais ces deux nouveaux pneumatiques démontrent que des progrès significatifs sont en cours. Ces enveloppes ont été développées dans le cadre du projet Empreinte, un PIA intégré à France 2030 et supervisé par l’Ademe », pointe Brigitte Chauvin, directrice du programme matériaux durables chez Michelin.
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Adapter l'outil industriel à cette évolution
Pour atteindre cet objectif ambitieux, le groupe se fixe donc aussi des objectifs industriels. Avec la start-up Carbios et son projet r-PET, le site Michelin de Cataroux en est un bon exemple. Pour ces pneus qui doivent être mis à la route en 2025, plusieurs usines seront concernées, notamment en Europe, mais Cyrille Roget et Jean-Christophe Guérin répètent à l’envi que le groupe adopte une stratégie de production « local to local », afin de se tenir au plus près des marchés et de contourner la lourde empreinte économique et écologique des transports, un sujet particulièrement aigu actuellement.
Le précieux apport du laboratoire des sports mécaniques
Par ailleurs, les dirigeants du groupe rappellent que les programmes de compétitions de sports mécaniques sont d’un grand apport, servant de laboratoire pour tester des solutions dans des conditions souvent extrêmes. La Formula E que le groupe vient de quitter a joué ce rôle aujourd’hui dévolu aux épreuves d’endurance, le véhicule H24 étant chaussé de pneumatiques faisant valoir en moyenne un taux de 53 % de matériaux durables, mais aussi à la Moto E (40 % de matériaux durables dans les pneus en moyenne), ainsi qu’à la Porsche Cayman GT4-E Performance (53 % de matériaux durables en moyenne).
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Une approche holistique de l'écosystème du pneumatique
En outre, Cyrille Roget souligne l’importance d’un raisonnement en termes de cycle de vie qui permet des scorings normés et holistiques. C’est-à-dire incluant les matières premières et la conception, la fabrication industrielle, la logistique (dont les transports), l’usage des produits, et enfin, la collecte et la valorisation (recyclage et nouvelle vie).
« Il ne faut pas se focaliser uniquement sur la proportion de matières premières vertes. Un pneumatique avec 100 % de matières premières vertes ne durerait pas longtemps en l’état actuel du savoir scientifique, technologique et industriel. Il ne remplirait donc pas sa mission de substitution et n’atteindrait pas son objectif de développement durable », conclut Cyrille Roget.