Recyclage auto et pièces de réemploi : adieu les coûts ?

Recyclage auto et pièces de réemploi : adieu les coûts ?

Comptant parmi les biens les plus revalorisés, une voiture voit son taux de recyclage s’élever à plus de 95 %.

© Indra

Le secteur automobile ne cesse d’évoluer pour se décarboner en intégrant, notamment, de plus en plus d’économie circulaire dans son modèle. Ambitionnant de limiter le gaspillage des ressources et l’impact environnemental, celle-ci promeut la réparation et l’utilisation de pièces de réemploi plutôt que le remplacement à neuf d’éléments au sein des véhicules. Un geste bon pour la planète... et le porte-monnaie !

Poubelle verte, poubelle bleue, poubelle jaune... Dans notre quotidien, recycler est devenu un automatisme puisque, comme le disait le scientifique Antoine Lavoisier, « rien ne se perd, tout se transforme ». Un principe qui s’applique désormais dans les garages, sur nos voitures. En témoignent les données de SRA démontrant qu’au cours du premier trimestre 2023, l'utilisation des pièces de réemploi (PRE) a enregistré un taux d'utilisation de 4,4 % (et même 6,5 % pour les véhicules de plus de 5 ans), soit une croissance de 16% par rapport à la même période de l'année précédente. Les pièces majoritairement utilisées sont quant à elles des éléments de carrosserie à savoir les hayons, les portes avant et les portes arrière, représentant à eux trois presqu’un quart de l'ensemble des PRE.

Il faut dire que la PRE comme la PIEC – pièce automobile d’occasion émanant d’un centre de traitement de véhicules hors d’usage (VHU) agréé par l’Etat – constituent « une alternative crédible à la pièce neuve » comme le souligne Patrick Poincelet. Président de la Branche des Recycleurs de Mobilians, président du métier des centres agréés VHU et ancien patron d’une PME de recyclage des VHU, il suit le sujet depuis plus de 20 ans. « La pièce de réemploi n’est donc pas récente, c’est un vieux produit qui s’est développé après la Seconde Guerre mondiale car toutes les usines de fabrication automobiles avaient été réquisitionnées pour l’armement et les seules pièces disponibles sur le marché étaient celles de réemploi. Leur intérêt a donc été exclusivement économique pendant très longtemps, la France et l’Europe ne s’étant pas occupés de l’environnement avant les années 1990 », se remémore-t-il.

« Au-delà de la dimension vertueuse, ces pièces sont des pièces de qualité avec une vraie valeur environnementale et économique. Le terme « pièce de réemploi » semble d’ailleurs impropre car ce n’est pas de la seconde main, c’est parfois beaucoup plus neuf qu’on ne peut l’imaginer. La pièce issue de l’économie circulaire est d’origine Constructeur car elle est prélevée sur des véhicules sinistrés ou en fin de vie » fait valoir Thierry Cassagneres, directeur Sinistres IARD Standards & Solutions Indemnisation chez Generali. Pour lui, il faut oublier l’image d’Épinal de la casse automobile délabrée car, « aujourd’hui, la façon de démonter et stocker les pièces s’est industrialisée et le marché, qui a connu une accélération avec l’inflation, s’est structuré et professionnalisé. » Une idée que partage Jean-Francois Grimaldi, directeur général adjoint de Caréco France, coopérative de 35 indépendants en France aux multiples activités, notamment en ce qui concerne le recyclage de la matière automobile.

« Alors que le taux de recyclage sur une voiture a presque atteint son maximum, celui-ci s’élevant à plus de 95%, cette filière fédère car la fin de vie des véhicules est un point crucial. Avec l’arrivée de l’électrique, il y a toutefois de nouveaux matériaux à traiter avec beaucoup de prudence, ce qui nécessite des formations », note Jean-Francois Grimaldi. Heureusement, Luc Fournier, directeur de la marque Alliance Automotive Group, observe « une bonne adaptation des garagistes à ce marché supplémentaire qui s’avère être une offre intéressante pour les réparateurs et une bonne réponse à une problématique de prix. » Pour cause : « notre organisation s’appuie sur un maillage de 1 100 distributeurs en France qui livrent jusqu’à 4 fois par jour nos réseaux de 260 réparateurs », ajoute Luc Fournier.

Pour les flottes, l’âge ça compte

Grâce à « un marché qui se structure vraiment avec des livraisons et des facturations plus rapides et centralisées mais aussi une qualité de la pièce qui a bien progressé » comme le formule Alexandre Brisseau, directeur Stratégie et Développement Réseaux Europe chez Axalta, groupe qui dénombre plus de 2 500 carrossiers dans 15 pays, le recyclage auto et la pièce de réemploi incarnent donc « une bonne façon de faire baisser les coups de réparation avec un positionnement tarifaire inférieur à 4% au prix du neuf pour les réparateurs ; les assureurs, eux, remboursent en moyenne à hauteur de 60% du prix constructeur bien que l’on milite pour atteindre 70 % » précise Olivier Cor, Responsable de PRECIS et DIGIPIEC chez Indra Automobile Recycling. Néanmoins, « le secteur a une limite et non des moindres : l’âge du véhicule » fait remarquer Thomas Melzer, président GIE de Five Star France.

« Si l’essor de la pièce de réemploi a obligé les flottes à s’intéresser à ce sujet afin de se démarquer dans la gestion vertueuse de leur parc, les voitures de société ont généralement moins de 5 ans. Or, quand un véhicule est récent, son offre en matière de pièce de réemploi est plus faible. Un gestionnaire de flotte ne peut donc pas totalement s’appuyer sur la pièce de réemploi et ça ne sera jamais le cas », complète Olivier Cor. L’enjeu étant donc de « choisir la solution la plus raisonnée, nous ne voulons pas nous substituer au produit neuf mais lui être complémentaire car le véhicule a une valeur cotée pendant ses 10 premières années et c’est après, dans cette deuxième moitié de vie, que notre travail intervient », nuance Patrick Poincelet.

Ce dernier met néanmoins en garde sur le principal souci de la filière : la quantité de matière première disponible. « Nous sommes limités par l’approvisionnement et il faudrait ouvrir le nombre de familles de pièces à utiliser. En moyenne, en France, on récupère 15 pièces par véhicule contre 60 pièces en Suède et 120 pièces en Amérique. En un mot, tant que l’économie gérera l’environnement, on ne s’en sortira pas. Il faut définir que le produit recyclé soit la matière numéro 1 et la matière neuve serve pour combler le manque de produit recyclé et non l’inverse », préconise l’expert Mobilians. Bref, « tout ceci nécessite encore pas mal de transformations comportementales et nous avons tous une responsabilité dans les changements de consommation. Pour preuve : environ 70% des Français s’estiment prêts à choisir la pièce issue de l’économie circulaire mais moins lors de l’application à leur cas personnel », conclut avec lucidité Thierry Cassagneres.

Retrouvez l'intégralité de cette enquête dans le magazine L'Automobile & L'Entreprise n° 288

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