L’inquiétant processus de « giga-casting » pratiqué par Tesla et d’autres constructeurs

L’inquiétant processus de « giga-casting » pratiqué par Tesla et d’autres constructeurs

La machine de moulage sous pression d'Idra est utilisée par Tesla pour concevoir certaines "méga-pièces" de ses voitures.

© IDRA GROUP

Utilisées depuis 2020 par Tesla, reprises depuis par d’autres constructeurs à travers le monde, les machines de moulage sous pression permettent de fabriquer des parties entières d’un véhicule en un seul bloc. Appelée « giga-casting », cette méthode de production aurait cependant un impact environnemental, mais aussi financier pour les automobilistes. 

Dans le milieu automobile, c’est Tesla qui a senti le potentiel de cette innovation. « Avec nos machines de moulage géantes, nous essayons littéralement de fabriquer des voitures grandeur nature de la même manière que les petites voitures », expliquait Elon Musk sur X (ex-Twitter) en janvier 2021. Cela faisait alors quelques mois que l’homme d’affaires avait mis la main sur le programme Giga Press du fabricant italien Idra Group. Celui-ci a conçu en 2018 une machine de moulage sous pression dotée d’une force de terrage de 55 000 à 61 000 kilonewtons, pesant entre 410 et 430 tonnes.

Ces monstres industriels ont commencé par servir à la production du châssis arrière ainsi que des rails de sécurité du Model Y, avant d’être également utilisés pour le Cybertruck. La machine de coulée d’une force supérieure à 8 000 tonnes équipe désormais les usines Tesla de Shanghai (Chine), Fremont (Californie), Berlin (Allemagne) ou encore Austin (Texas). En début d'année, l'usine allemande aurait d'ailleurs reçu une nouvelle giga presse d'Idra, capable d'appliquer une force de 9 000 tonnes et imaginée spécialement pour le Cybertruck. Désormais, d'autres constructeurs semblent séduits.

Pour les marques, ce processus de fabrication nommé « giga-casting » représente de grosses économies. D’après les indiscrétions de nos confrères d’Autoblog, l’utilisation d’un seul composant pour le châssis arrière du Model Y a permis à Tesla de réduire ses coûts associés de 40 %. Ce sont également 600 robots d’assemblage qui ont été supprimés pour la conception de la Model 3. Il suffirait ainsi de deux ou trois énormes pièces moulées pour remplacer un assemblage originellement composé de 70 éléments. Un gain économique non-négligeable, qui peut également se concrétiser par une réduction du poids final du véhicule. Un autre élément important lors de la production d’une voiture à batteries.

Réduction des coûts dans les usines

Ainsi, si Tesla a été visionnaire sur l’utilité de ces machines de moulage, d’autres constructeurs étudient attentivement les possibilités qu’elles offrent. Avec l’arrivée de nouveaux fournisseurs tels que le Suisse Bühler ou le Chinois LK Group, c’est tout un secteur industriel qui pourrait bien être chamboulé. Volvo et Hyundai ont d’ores et déjà fait connaître leur intérêt. La marque suédoise devrait même investir plus de 900 millions de dollars dans son usine située à Göteborg pour y inclure, entre autres, ces gigantesques presses métalliques. Du côté de General Motors, on soupçonne que la technique puisse être utilisée pour la production de la luxueuse berline électrique Cadillac Celestiq.

La marque la plus bavarde sur le sujet n’est autre que Toyota, qui a déjà déclaré en juin dernier que le « giga-casting » réduit de moitié les investissements dans les usines. Le constructeur japonais y recourra donc pour fabriquer la carrosserie de ses prochains modèles électriques, qui n’aura plus besoin que de trois composants principaux dans une structure modulaire. « L’adoption du giga casting permettra une intégration significative des composants, ce qui contribuera à la réduction des coûts de développement des véhicules et des investissements dans les usines », a fait savoir Toyota dans des propos repris par l’agence Reuters. Enfin, la marque chinoise Geely utilise une « giga press » pour produire le monospace de presque trois tonnes Zeekr 009.

Le secret de la rentabilité de Tesla ?

C’est un système très coûteux mais qui peut s’avérer parfaitement rentable lorsque la marque n’a pas un catalogue trop développé. Certains analystes laissent penser que le « giga-casting » pourrait justifier la bonne et rapide rentabilité de Tesla à travers le monde. Sur le papier, le recours aux « méga-pièces » pour remplacer les petits éléments semble donc tout à fait bénéfique pour les constructeurs. D’autant plus lors de la fabrication de voitures électriques.

Certains mettent également en avant l’aspect écologique de cette solution, qui réduirait les émissions de carbone grâce à sa réduction du nombre de pièces embarquées. Mais quelques acteurs commencent à se questionner sur le réel impact de ces machines de moulage haute pression. En France, c’est notamment le cas de la FEDA qui a publiquement mis en garde le gouvernement début octobre. Ce processus comporte « d’importants effets pervers, qui méritent d’être anticipés et, autant que possible, évités », dénonce la Fédération de la distribution automobile.

Des incohérences écologiques et un risque pour le budget des automobilistes

Portant la voix de la distribution indépendante, cette organisation rappelle qu’il n’est pas « écologiquement vertueux de remplacer des blocs entiers d’un véhicule – dont la production nécessite bien plus de matière et d’énergie, là où une pièce détachée de plus petite taille fait l’affaire aujourd’hui. » Ce risque d’un « désastre environnemental » vient s’ajouter à celui relatif au budget des automobilistes. De fait, le remplacement d’une « méga-pièce » est bien plus coûteux puisque ce n’est plus un petit élément qui sera à changer mais bien un bloc entier. Lors d’un accident, la question de la réparabilité pourra également se poser. Ce qui représente à la fois un problème économique et écologique.

La FEDA « appelle donc le gouvernement à évaluer les risques d’une pratique en plein essor et à prendre les mesures adaptées afin que le ‘giga-casting’ ne soit pas synonyme, dans un avenir proche, de ‘giga-gaspillage’ ni de réparations bien plus coûteuses pour les automobilistes. » Bien que cela soit totalement hypothétique, le déploiement d’un tel processus de production pourrait également menacer les fabricants de plus petites pièces. Pour l’heure, le recours à des machines de moulage à haute pression montre surtout que Tesla a su devancer les constructeurs traditionnels, eux aussi en quête de rentabilité. Il semble désormais qu’ils ne ferment plus aucune porte pour suivre le modèle économique de la marque d’Elon Musk. Même s’il semble présenter des incohérences avec la transition écologique et la baisse de pouvoir d’achat des ménages.

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