Dans le département de l’Allier, l’entreprise Imerys envisage d’inaugurer la première mine de lithium en France. De quoi fournir un composant essentiel à la fabrication de 700 000 batteries de voitures électriques chaque année. Mais aussi susciter de nombreuses interrogations d’ordre écologique.
À l’ère de l’électromobilité et alors que les institutions européennes poussent pour l’abandon du thermique neuf en 2035 au profit des véhicules électrifiés, la batterie constitue un enjeu majeur. En maîtriser les phases de production et les matières premières serait même stratégiquement déterminant pour les acteurs du secteur.
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La société française multinationale spécialisée dans la production et la transformation des minéraux industriels, Imerys, l’a bien compris en lançant le projet, appelé EMILI (pour « Exploitation de MIca Lithinifère ») après avoir identifié un gisement de lithium sur son site d’exploitation de kaolin (argile) de Beauvoir, à Échassières, dans l’Allier (Massif Central).
EMILI, jolie source d’espoirs...
Situé à environ une heure de Clermont-Ferrand, ce gisement serait deux fois et demie plus important qu'attendu puisque renfermant 1 million de tonnes d'oxyde de lithium conte 320 000 tonnes estimées initialement. Actuellement en cours d'expérimentation de son pilote industriel avant une entrée en production du site espérée pour 2028, le projet EMILI ambitionne donc la création d’une mine souterraine et l’implantation d’une usine de conversion sur un site proche de Montluçon assurant au moins 25 années d'exploitation.
Crédit : Imerys
Entre autres chiffres impressionnants, cette mine de lithium – la première en France et la deuxième plus grosse d'Europe derrière Vulcan en Allemagne – garantirait l’équipement en batteries de 700 000 voitures électriques par an pour un coût total d’investissement estimé à plus d’un milliard d’euros – comprenant des soutiens publics à hauteur de 1 million d'euros via le Plan France Relance de 2020 et 18 millions d'euros via le plan d'investissement France 2030. Plus gros projet minier en métropole depuis plus de 50 ans, EMILI créerait aussi entre 500 et 600 emplois directs et au moins 1 000 emplois indirects. Une bonne nouvelle pour la région ? Oui... et non.
... mais aussi de discorde
Si, économiquement, EMILI pourrait permettre à la France de retrouver un semblant de souveraineté sur la production de batteries électriques, endiguant ainsi la dépendance de l’Hexagone envers l’importation de lithium – dont 90 % de la production se concentre entre l’Australie, la Chine et le Chili et se fait de manière moins décarbonée qu’en France, où le nucléaire limite la pollution d’une telle opération –, l’installation d’une mine n’est jamais appréciable pour les sols et les nappes phréatiques locales. Le président de France nature environnement (FNE), Antoine Gatet, avait d’ailleurs déploré à l'AFP « le sacrifice d’une partie de l'eau et de l'écosystème du Massif Central pour faire des voitures électriques à 40 000 euros que très peu de gens pourront se payer. »
Compte tenu de la nouveauté de ce projet et de ses potentiels impacts environnementaux et socio-économiques, la Commission nationale du débat public (CNDP) a donc décidé d’organiser un grand débat public, du 11 mars au 7 juillet 2024. Les habitants des communes directement impactées par le projet (Échassières, Naves/Saint- Bonnet-de-Rochefort et Saint-Victor), et l’ensemble des publics sont ainsi invités à donner leur avis.
Néanmoins, les jeux sont peut-être déjà faits puisque, en octobre 2022, le ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique Bruno Le Maire affirmait que « ce projet, exemplaire sur le plan environnemental et climatique, réduira drastiquement nos besoins d’importation de lithium et [...] contribuera à l’objectif fixé par le Président de la République de produire 2 millions de véhicules électriques en France d’ici à 2030 et sera soutenu par le gouvernement. » Bref, hors de question de tuer la poule aux œufs de lithium, même pour préserver la biodiversité... les véhicules électriques s'en chargeront !
Les chiffres du projet
- 116,7 millions de tonnes à 0,90% Li2O Oxyde de métal contenu : 1,1 million de tonnes Li 2O.
- 0,716 million de tonnes LHM Produit (hydroxyde de lithium pour le marché des batteries).
- 2,1 millions de tonnes de granite extraites par an.
- 2 000 litres d’eau pour produire un gramme de lithium.
- 8 kg de CO2 générées par tonne de lithium extraite selon les estimations du groupe Imerys.