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Les batteries, moteur de la mobilité

Les batteries, moteur de la mobilité

Comme l’a rappelé le président de la République en mai dernier, l’émergence d’une production française de batteries est en effet « emblématique de la réindustrialisation par la décarbonation. »

De leur conception, aux matières premières nécessaires à leur fabrication, en passant par les processus de fabrication, de certification, leur sécurité, leur entretien, leur recyclage ainsi que les innovations de recharge qu’elles supportent, les batteries constituent un secteur... survolté.

Sous l'impulsion de l’électrification des transports, la demande de batteries augmente aussi massivement que rapidement. À l’horizon 2030, celle-ci devrait même être multipliée par 14 ! Représentant environ 35 % de la valeur ajoutée d’un véhicule électrique, les batteries incarnent donc un enjeu économique pour la filière automobile mais aussi un enjeu de souveraineté industrielle quand environ 70 % des capacités de production mondiale de batteries sont localisées en Chine. C’est pourquoi, dès 2018, la France a inauguré son premier plan Batteries visant à soutenir l’émergence d’une filière de production de batteries dans l’Hexagone avec l’implantation de gigafactories, parmi lesquelles celle d’ACC à Billy-Berclau/Douvrin (Pas-de-Calais).

usine forsee power

Érigée au sein d’une friche industrielle, l’usine Forsee Power se situe à Chasseneuil-du-Poitou (Vienne) © spectrum

Sophie Tricaud, vice-présidente de Forsee Power – qui conçoit et fabrique des systèmes de batteries pour les bus, les camions et les deux-roues – reconnaît qu’à présent, il pèse sur les batteries davantage d’exigences, surtout quand il s’agit de mobilité lourde. « Les véhicules doivent en effet circuler pendant plusieurs heures pour les bus, par exemple. Cet usage intensif appelle donc des évolutions et des optimisations grâce aux logiciels et à l’électronique apporté aux systèmes de batteries ainsi qu’aux nouvelles électrochimies. Néanmoins, la technologie lithium-ion a encore de l’avenir avec de nombreux développements et de nouveaux projets lancés, notamment sur les véhicules industriels et agricoles... », laisse présager Sophie Tricaud.

Sécurité, surveillance et bon sens

Il ne faudrait également pas enterrer plus vite que de raison les batteries 12 V. « On a tendance à les oublier mais elles sont encore présentes partout dans les véhicules thermiques comme les hybrides et les électriques », note Abel Santirso, responsable régional des ventes Aftermarket et OE sud de l'Europe et EMEA chez CTEK, entreprise suédoise à l’origine du premier chargeur de batterie intelligent et travaillant pour des constructeurs tels que Ferrari, Mercedes, Porsche et BMW. « On nous avait aussi annoncé la mort de la batterie plomb-acide mais ce n’est pas le cas puisqu’elle se recycle à 99 % et reste plus abordable que lithium-ion avec des performances assurées en période de grand froid et une meilleure durée de vie... à condition d’en prendre soin. Car prendre soin de sa batterie c’est garantir la bonne santé et la valeur de son véhicule », ajoute Abel Santirso.

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GCK Battery propose à la fois des solutions légères de moins de 500 grammes et des ensembles de plus de 4 tonnes. © GCK Battery

« La batterie est constituée d’éléments chimiques et donc, comme les cellules d’un corps humain, elle "vit" et elle vieillit dans le temps. Il y a beaucoup de conditions, notamment liées aux températures, qui peuvent l’user. C’est la loi d'Arrhenius* », complète Cédric Loubiat, ex-ingénieur chez PSA et actuel directeur général de GCK Battery, filiale du groupe GCK qui produit des batteries au lithium pour les vélos électriques, la mobilité légère ou lourdes ou encore pour les trains SNCF. En matière de sécurité, ce dernier se montre rassurant car « la technologie des batteries au lithium est maintenant bien maîtrisée, la preuve car nous transportons tous sur nous et chez nous un ou des smartphones équipés avec une batterie lithium. Or les problèmes sont très rares au rapport du nombre de smartphone dans le monde. »

V2L, V2G : utile ou futile ?

« Avec ses avantages économiques et écologiques, la recharge bidirectionnelle existe depuis longtemps mais le groupe Renault compte la démocratiser aux clients particuliers avec l’avènement, en 2024, de la R5. Ainsi, la voiture va devenir un objet offrant une source d’énergie et d’épargne pour nos clients dans un contexte favorable au lancement de ce type de fonctionnalité », analyse Ziad Dagher, expert de la « smart energy » chez Mobilize, marque de mobilité du groupe Renault, en faisant référence à l’hiver dernier durant lequel le marché électrique s’est trouvé en tension.

Cette innovation permettant de restituer l’énergie de la batterie sur le réseau et la revendre selon les besoins demande tout de même d’avoir une borne de recharge bidirectionnelle afin de communiquer avec le réseau. Le gain, lui, peut engendrer « la division par deux du coût de la recharge à domicile selon les cas d’usage, en plus de réguler les pics de consommation, piloter les recharges et maximiser plus d’énergies renouvelables avec un moyen de déplacement préservé car le V2G (vehicule-to-grid) ne doit pas se faire au détriment de la mobilité », soutient Ziad Dagher.

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L’offre V2G (Véhicule to Grid) de Renault/Mobilize qui arrivera sur le marché en 2024, en même temps que le lancement de la R5 électrique. © SBY Stéphane Balmy 

Quel impact sur la batterie aura cependant ce dispositif ? Aucun réplique l’expert de Mobilize, arguant qu’« un client qui prendra une R5 avec ou son option V2G aura la même garantie soit 8 ans/160 000 km. Il y aura aussi un contrôle des plages du V2G le limitant de 20 à 80 % de niveau de recharge de la batterie pour qu’elle subisse le moins de stress. Le V2G est donc moins agressif qu’une charge rapide car il induit moins d’accélération de puissance. » Si le potentiel de cette technologie fait plutôt consensus, Cédric Loubiat s’interroge quant à l’acceptation psychologique pour nos concitoyens de voir leur véhicule servir de « tampon énergétique ». Le rétrofit, lui, « se conçoit particulièrement sur les machines spéciales mais n’est pas une réponse à tous les usages. » En somme, « toutes ces fonctionnalités ont du sens, vont se développer et modifier les usages », suggère Sophie Tricaud. Qui voit aussi dans la batterie solide « une solution mais pas LA solution. »

* En cinétique chimique, dépendance de la vitesse d'une réaction chimique à la température

Retrouvez l'intégralité de ce dossier dans le magazine L'Automobile & L'Entreprise n°292

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